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Les limites du droit de propriété

Les clauses D2.6 a) du formulaire Déclarations du vendeur sur l’immeuble et 10.3 de la Promesse d’achat, font référence aux limitations de droit privé ainsi qu’aux limitations de droit public échappant au droit commun. À quoi fait-on référence quand on parle de « limitations de droit public échappant au droit commun »?

Définissons tout d’abord certains termes.


Droit public

Le droit public constitue l’ensemble des lois et des règlements émanant de l’État (ex. : gouvernement fédéral ou provincial, municipalité). La législation qui restreint le droit de propriété, et notamment les lois et règlements suivants, a un impact sur le travail du courtier immobilier :

  • Loi sur le Tribunal administratif du logement (ensemble immobilier)1;
  • Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles2;
  • Loi sur le patrimoine culturel3;
  • Règlement municipal de zonage4.

Ces lois n’affectent pas tous les propriétaires; seuls certains immeubles au Québec y sont assujettis.

Exemples de limitation de droit public :

  • Règlement concernant les piscines
  • Empiètement d’une clôture ou d’une piscine creusée sur une servitude

1 RLRQ, c. R-8.1.
2 RLRQ, c. P-41.1.
3 RLRQ, c. P-9.002.
4 Chaque municipalité a son propre règlement de zonage.

Droit commun

Le droit commun (à ne pas confondre avec la Common Law qu’on retrouve entre autres dans les autres provinces canadiennes) est prévu au Code civil du Québec.

Limitations de droit public échappant au droit commun

Le courtier immobilier doit découvrir les limitations de droit public auquel l’immeuble de son client est assujetti, à l’exclusion des limitations au droit de propriété visées par le droit commun. Ces limitations sont celles auxquelles tout propriétaire d’un immeuble situé dans la province de Québec est assujetti.

Les limitations sont énoncées aux articles 976 à 1008 du Code civil du Québec, articles regroupés sous la rubrique « Des règles particulières à la propriété immobilière ».

Ces règles illustrent le principe que nos droits s’arrêtent là où ceux de nos voisins commencent. L’article 976 du Code civil du Québec énonce la règle générale qui réglemente de façon fondamentale les relations entre voisins :

« Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leur fonds, ou suivant les usages locaux. »

Autrement dit, il faut accepter les inconvénients inhérents à la vie en société. Le législateur reconnaît cependant que cette tolérance doit avoir des limites5. C’est pourquoi le Code civil du Québec a instauré des règles de comportement afin d’assurer de bonnes relations entre voisins6.

Ces règles se traduisent par des limites imposées au droit de propriété qui sont énoncées au Code civil du Québec.

5 Art. 976 C.c.Q.
6 Telles que les règles régissant l’accès au fonds d’autrui, le droit de passage, les vues, etc. Voir d’emblée le « Chapitre Troisième » du Code civil du Québec.


 

Le bornage

Les limites d’un terrain sont déterminées par les bornes. En vertu du Code civil du Québec, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës pour établir les bornes, rétablir des bornes déplacées ou disparues, reconnaître d’anciennes bornes ou rectifier la ligne séparative de leurs fonds7.

Le bornage peut se faire à l’amiable ou de façon judiciaire8. Peu importe qu’il soit à l’amiable ou judiciaire, une fois le bornage réalisé, il devra être inscrit au Registre foncier9.

Lorsque la limite entre deux propriétés est mise en doute, c’est donc le bornage qui l’établit de façon irrévocable et permanente.


7 Art. 978(1) C.c.Q.
8 Art. 978(2) C.c.Q.

9 Art. 978(3) C.c.Q.

Le piquetage

Il faut distinguer le « bornage » du « piquetage ». Le piquetage constitue l’ensemble des opérations effectuées par un arpenteur-géomètre pour indiquer les limites d’un terrain au moyen de repères. Le piquetage correspond à l’opinion d’un arpenteur-géomètre quant aux limites d’une propriété, opinion qu’il s’est formée à la suite d’un arpentage et d’une étude des titres de propriété et du cadastre.

C’est d’ailleurs sur cette opinion que sera établi le certificat de localisation que le vendeur remettra à l’acheteur au moment de la vente d’un immeuble résidentiel, commercial ou industriel.

Conséquemment, le piquetage n’a pas la même valeur légale que le bornage. Il n’apparaîtra d’ailleurs pas au Registre foncier. En fait, le piquetage est effectué au seul bénéfice du client et de l’arpenteur-géomètre lui-même, il n’est absolument pas opposable aux tiers (comme les propriétaires des terrains contigus).

 

DISTINCTION ENTRE UN PIQUETAGE ET UN BORNAGE

Piquetage Bornage

 

  • Bien qu’effectué par un arpenteur, le piquetage constitue une opinion de ce dernier quant aux limites d’un terrain.
  • Le piquetage est une opération unilatérale et au seul bénéfice de son client.
  • La pose de repères n’est pas permise si cette dernière perturbe l’occupation des lieux.
  • Le piquetage n’est pas opposable aux voisins.

 

 

Le bornage établit de façon irrévocable, sans appel et permanente la limite entre deux terrains, lorsque cette limite est mise en doute.

Dans le cadre d’un bornage, les propriétaires des terrains contigus doivent intervenir; il ne s’agit pas d’une opération unilatérale.

Le bornage se soldera par la pose de bornes et la publication d’un procès-verbal au Registre foncier.

Le bornage est opposable envers tous.

Il existe DEUX TYPES de bornage :

Bornage à l’amiable

  • Il est dit à l’amiable si les propriétaires des terrains contigus s’entendent.

Bornage judiciaire

  • Il est dit judiciaire en cas de litige entre deux propriétaires et que le tribunal (Cour supérieure) doit trancher.
  • Dans un cas comme dans l’autre, les frais sont partagés à parts égales.
 

D

DEVOIRS ET OBLIGATIONS DU COURTIER

Bien que peu de propriétaires aient recours au bornage à l’amiable ou judiciaire (la majorité optant plutôt pour un piquetage de leur terrain), cela demeure possible.

Il faut savoir qu’un bornage, tel qu’établi au sens du Code civil du Québec, a fait l’objet d’une inscription du procès-verbal de l’arpenteur-géomètre au Registre foncier et liera tout propriétaire subséquent.

Le courtier qui représente un client pour la vente d’un immeuble ayant fait l’objet d’un bornage, doit donc en faire mention à la fiche descriptive et à la Promesse d’achat.

 

Les eaux

L’article 979 alinéa 1 du Code civil du Québec édicte que les fonds inférieurs doivent recevoir les eaux qui s’écoulent naturellement des fonds supérieurs.

Ainsi, le propriétaire du fonds inférieur ne peut faire aucun ouvrage qui empêche cet écoulement et le propriétaire du fonds supérieur ne peut aggraver la situation du fonds inférieur10.

Le propriétaire qui a une source dans le sous-sol de son terrain peut en user et en disposer11.

En ce qui concerne les lacs et les étangs, le propriétaire peut, pour ses besoins, user de l’eau des lacs et des étangs qui sont entièrement sur son terrain, mais il doit en conserver la qualité12, tout comme les riverains doivent le faire13. À la sortie du fonds, le propriétaire riverain doit rendre ces eaux à leur cours ordinaire, sans modification importante de la qualité et de la quantité de l’eau. Il ne peut, par son usage, empêcher l’exercice des mêmes droits par les autres personnes qui utilisent ces eaux14.

Par ailleurs, le toit des immeubles doit être établi de manière que les eaux, les neiges et les glaces tombent sur le fonds du propriétaire15 et non chez le voisin.

Note : Il existe des terrains soumis à la marge latérale zéro (dans les cas de maisons jumelées ou en rangée) permettant ainsi à l’eau de pluie, la neige ou la glace de s’écouler ou de tomber sur le lot voisin. Une servitude d’égout des toits devra être obtenue pour permettre cet écoulement sur une partie du terrain du voisin.


10 Art. 979(2) C.c.Q.
11 Art. 980(1) C.c.Q.

12 Art. 980(2) C.c.Q.
13 Art. 981(1) C.c.Q.
14 Art. 981 C.c.Q.
15 Art. 983 C.c.Q.

Les arbres

Un courtier qui représente un client pour l’achat ou la vente d’un immeuble devrait porter attention aux arbres, et ce, pour différentes raisons.

Premièrement, un propriétaire (le vendeur ou l’éventuel acheteur) ne peut couper les branches ou les racines de l’arbre d’un voisin qui s’avancent sur son terrain et qui nuisent à son usage. Il doit demander à son voisin de les couper. La même règle s’applique si l’arbre d’un voisin menace de tomber sur le terrain du vendeur. Advenant un refus, il devra le mettre en demeure et obtenir un jugement qui forcera le voisin à les couper.

De plus, les racines peuvent causer des dommages importants aux fondations, aux entrées d’eau et aux piscines.

Par ailleurs, le propriétaire d’un fonds exploité à des fins agricoles peut contraindre son voisin à faire abattre, le long de la ligne séparative, sur une largeur qui ne peut excéder cinq mètres, les arbres qui nuisent sérieusement à son exploitation, sauf ceux qui sont dans les vergers et les érablières ou qui sont conservés pour l’embellissement de la propriété16.


16 Art. 986 C.c.Q.

DEVOIRS ET OBLIGATIONS DU COURTIER

Certains arbres comme les peupliers, les saules pleureurs, les érables argentés et les frênes sont souvent une source de problèmes.

Lorsqu’un courtier visite une propriété entourée d’arbres matures avec ses clients, il devrait :

  • Vérifier les fondations, car les racines des arbres pourraient les avoir endommagées, particulièrement si le terrain contient de la glaise.
  • Recommander à son client de faire vérifier les drains, si cela est approprié, afin de s’assurer qu’ils ne sont pas bloqués par la présence de racines.

Par ailleurs, en présence de frênes, la santé des arbres devrait être vérifiée pour s’assurer de l’absence d’agrile du frêne.

Pour en savoir plus : L’agrile du frêne, un petit insecte qui fait de gros ravages

 

Les empiètements

L’empiètement est l’action d’usurper une partie de la propriété d’autrui. L’article 992 du Code civil du Québec énonce que :

« Le propriétaire de bonne foi qui a bâti au-delà des limites de son fonds sur une parcelle de terrain qui appartient à autrui doit, au choix du propriétaire du fonds sur lequel il a empiété, soit acquérir cette parcelle en lui en payant la valeur, soit lui verser une indemnité pour la perte temporaire de l’usage de cette parcelle.

Si l’empiètement est considérable, cause un préjudice sérieux ou est fait de mauvaise foi, le propriétaire du fonds qui le subit peut contraindre le constructeur soit à acquérir son immeuble et à lui en payer la valeur, soit à enlever les constructions et à remettre les lieux en l’état. »

 

  Empiètement mineur Empiètement majeur
Définition

Empiètement qui est exercé de bonne foi et qui n’est pas considérable.

Empiètement dit considérable, qui cause un préjudice sérieux ou qui est fait de mauvaise foi.
Recours
  • Acquérir la parcelle empiétée.
  • Verser au propriétaire lésé une indemnité pour la perte temporaire de l’usage de cette parcelle.
  • Contraindre le voisin à acquérir l’immeuble qui subit l’empiètement en entier.
  • Forcer le voisin à enlever les constructions qui empiètent et remettre le fonds à l’état initial.

 

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DEVOIRS ET OBLIGATIONS DU COURTIER

Les empiètements, qu’ils soient mineurs ou majeurs, apparaîtront au certificat de localisation, d’où l’importance que le vendeur fournisse un certificat de localisation à jour.

Dans les cas où le certificat de localisation révèle des empiètements, il faudra donner une réponse affirmative à la section D13.9 du formulaire Déclarations du vendeur sur l’immeuble (s’il est obligatoire) et apporter les précisions à la section D14.

Le courtier immobilier doit s’assurer que ces empiètements soient de nouveau mentionnés à la Promesse d’achat et que le courtier de l’acheteur a complété la section 13.1 en y inscrivant le numéro du formulaire Déclarations du vendeur sur l’immeuble.

Si le courtier de l’acheteur a fait défaut de le mentionner à la Promesse d’achat, une contre-proposition doit être faite pour y inscrire, à la section P2.5, le numéro du formulaire Déclarations du vendeur sur l’immeuble et en le joignant à la contre-proposition.

Les vues

L’article 993 alinéa 1 du Code civil du Québec prévoit que personne ne peut avoir de vue droite sur le fonds voisin à moins de 1,5 mètre de la ligne séparative (appelée également ligne de lot). Ainsi, toute fenêtre ou ouverture doit être située à un mètre et demi de la ligne de lot.

Le code prévoit quand même quelques exceptions17 :

  • les vues donnant sur un parc public;
  • les vues donnant sur la voie publique;
  • s’il y a une porte pleine ou à verre translucide (c’est-à-dire qui laisse passer la lumière, mais pas le regard, par exemple, du verre givré).

En vertu du Code civil du Québec, les vues indirectes ne constituent plus des vues illégales.


17 Art. 993(2) C.c.Q.

Le droit de passage

Le droit de passage est prévu aux articles 997 à 1001 du Code civil du Québec. L’article 997 définit ce qu’est un fonds enclavé :

« Le propriétaire dont le fonds est enclavé soit qu’il n’ait aucune issue sur la voie publique, soit que l’issue soit insuffisante, difficile ou impraticable, peut, si on refuse de lui accorder une servitude ou un autre mode d’accès, exiger de l’un de ses voisins qu’il lui fournisse le passage nécessaire à l’utilisation et à l’exploitation de son fonds.

Il paie alors une indemnité proportionnelle au préjudice qu’il peut causer. »

N’ayant pas d’issue, un voisin doit donc lui permettre d’entrer et de sortir de son fonds.

« Le droit de passage s’exerce contre le voisin à qui le passage peut être le plus naturellement réclamé, compte tenu de l’état des lieux, de l’avantage du fonds enclavé et des inconvénients que le passage occasionne au fonds qui le subit18. »

Le Code civil du Québec prévoit à l’article 1000 que le bénéficiaire du droit de passage doit faire et entretenir tous les ouvrages nécessaires pour que son droit s’exerce dans les conditions les moins dommageables pour le fonds qui le subit.

De plus, le Code civil du Québec prévoit que le droit de passage prend fin lorsqu’il cesse d’être nécessaire à l’utilisation et à l’exploitation du fonds. Il n’y a pas lieu à remboursement de l’indemnité; si elle était payable annuellement ou par versements, ceux-ci cessent d’être dus pour l’avenir19.

Le droit de passage n’est pas un droit réel qui suit le bien; c’est un droit personnel. Ainsi, si un voisin permet le passage sur son terrain et que celui-ci vend son immeuble, le nouveau propriétaire peut interdire de passer sur son terrain.

Il y aurait lieu d’avoir une servitude de passage conventionnelle, laquelle est un droit réel et désigne l’endroit du passage et le montant à payer ainsi que le mode de paiement. Un droit réel suit le bien, peu importe en quelles mains il est.


18 Art. 998 C.c.Q.
19 Art. 1001 C.c.Q.

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DEVOIRS ET OBLIGATIONS DU COURTIER

Le courtier immobilier qui met en marché un immeuble enclavé doit vérifier le certificat de localisation afin de s’assurer que l’immeuble possède un droit de passage ou une servitude de passage le reliant à une voie publique.

Les clôtures et ouvrages mitoyens

Tout propriétaire peut clore son terrain à ses frais, l’entourer de murs, de fossés, de haies ou de toute autre clôture20.

Il peut également obliger son voisin à faire sur la ligne séparative, pour moitié ou à frais communs, un ouvrage de clôture servant à séparer leurs fonds et qui tienne compte de la situation et de l’usage des lieux21. Les frais d’entretien de la clôture ainsi érigée seront partagés à parts égales entre les propriétaires des fonds contigus. Les problèmes les plus fréquents sont liés aux coûts et aux matériaux.

EXEMPLE : Un propriétaire veut installer une clôture en fer forgé, alors qu’une clôture de type « Frost » conviendrait au voisin. À défaut d’entente entre les parties, les tribunaux analyseront si les coûts sont raisonnables. En plus, dans le cadre d’une telle demande judiciaire, il faudra procéder à un bornage. Si une clôture se trouve sur la ligne séparative, elle est présumée mitoyenne.


20 Art. 1002(1) C.c.Q.
21 Art. 1002(2) C.c.Q.

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DEVOIRS ET OBLIGATIONS DU COURTIER

Le courtier immobilier doit :

  • demander au vendeur de fournir un certificat de localisation à jour, qui représente l’état actuel de l’immeuble à vendre (désignation cadastrale – avant et après la rénovation cadastrale, rapport énonçant l’aspect juridique et physique de l’immeuble ou description technique dans le cas d’un terrain vacant), et ce, dès la signature du contrat de courtage;
  • vérifier le certificat de localisation pour fournir des renseignements exacts;
  • informer tout promettant acheteur de tout « empiètement » qui figurerait au certificat de localisation.

 

Dernière mise à jour : 18 octobre 2022
Numéro de référence : 208973